La Réserve fédérale américaine (Fed) est actuellement confrontée à une période de grande complexité. L’avènement de Donald Trump à la présidence, avec son démarrage tumultueux, introduit peut-être le plus grand défi pour la banque centrale : l’incertitude. La Federal Reserve, qui a pour missions la stabilité des prix, la stabilité économique et la stabilité financière, se trouve dans une position délicate lorsqu’il s’agit de prendre des décisions. De plus, elle subit une pression constante de la part du gouvernement, qui semble ignorer délibérément l’indépendance de son mandat.
USA : un atterrissage en douceur en apparence
Le Comité fédéral de l’open market (FOMC), responsable des décisions de politique monétaire, a décidé le 19 mars de maintenir son objectif de taux d’intérêt, entre 4,25 % et 4,50 %. Cette décision fait suite à celle, similaire, prise lors de la réunion précédente. Le rapport publié à la mi-février, qui résume les discussions entre les participants, était optimiste : « les conditions du marché du travail restent robustes », « le PIB réel a augmenté à un rythme soutenu », « Les participants anticipent que, sous une politique monétaire adéquate, l’inflation devrait continuer à se rapprocher de 2 % ».
Cela semble indiquer une politique de la Fed bien contrôlée et réfléchie, visant à contrôler l’inflation sans déclencher de récession, de manière progressive : c’est ce que l’on nomme un soft landing (« atterrissage en douceur »).
FED : une incertitude croissante
Le sentiment de contrôle émanant des communiqués de la Fed contraste fortement avec la perception générale de l’économie américaine. L’incertitude a rarement grimpé aussi rapidement. L’élection de Donald Trump, son programme et ses changements de cap fréquents, plongent les ménages, les entreprises et les investisseurs dans une incertitude économique persistante.
En termes économiques, on parle d’« incertitude knightienne » : le risque devient incalculable, les acteurs économiques ne peuvent pas prévoir les futurs états du monde, encore moins y associer des probabilités.
Dans un tel contexte d’incertitude fondamentale, la meilleure stratégie est souvent d’attendre : attendre avant de construire une nouvelle usine, attendre avant d’acheter une voiture, attendre avant d’embaucher de nouveaux employés. En général, ces comportements ne présagent rien de bon pour l’économie, et donc pour la banque centrale. Cela pourrait notamment mettre sous pression le marché du travail et le marché immobilier.
Vers une inflation galopante ?
Parallèlement, les anticipations d’inflation atteignent des sommets. Ni les ménages ni les marchés ne semblent croire au discours du gouvernement américain, qui affirme que les droits de douane ne seront pas répercutés sur les consommateurs.
Ces anticipations d’inflation sont source de préoccupations au plus haut niveau. Dans une interview au Financial Times le 26 mars, Austan Goolsbee, président de la réserve fédérale de Chicago, déclare considérer les anticipations d’inflation actuelles comme « un signal d’alarme majeur ». Bien que cette position semble diverger des communiqués officiels de la Fed, elle en rejoint en réalité le fond. Le comité entier est préoccupé : selon les données économiques projetées par les hauts fonctionnaires de la banque centrale, l’inflation future est estimée à 2,7%, tandis que la croissance économique diminue.
La Fed sous pression
La Fed avance sur des œufs : la présidence des États-Unis la soumet à une pression constante, menaçant son indépendance.
Le 20 mars, Donald Trump réagit à la décision de la banque centrale : « La Fed ferait bien mieux de baisser ses taux alors que les droits de douane américains commencent à impacter l’économie. » (sur son réseau social Truth)
Réponses de la Fed
Plutôt que d’entrer en confrontation directe avec le gouvernement, la banque centrale opte pour la subtilité :
- « Les risques entourant la projection de base pour l’inflation sont jugés déséquilibrés à la hausse […] en raison des changements dans la politique commerciale qui pourraient exercer une pression ascendante sur l’inflation plus forte que prévu ». Traduction : « Les droits de douane et les conflits avec d’autres nations vont augmenter les prix ».
- « Une majorité de participants a noté que le haut degré d’incertitude actuel justifiait que le Comité adopte une approche prudente avant d’envisager des ajustements supplémentaires ». Traduction : « L’incertitude constante créée par les annonces gouvernementales empêche toute prévision économique fiable ».
En général, la banque centrale évite de commenter toute annonce du gouvernement, que cela concerne le marché du travail, l’immigration ou la politique commerciale. Une position trop tranchée pourrait provoquer une réaction vive de la part de la présidence.
Parfois, cependant, la Fed prend position. En réponse à une question d’un journaliste de Reuters sur l’impact des droits de douane sur les anticipations d’inflation, Jerome Powell, président de la Fed, déclare lors d’une conférence de presse : « Il est très difficile d’évaluer précisément la part de l’inflation due aux droits de douane et à d’autres facteurs […] La réponse est clairement qu’une partie significative provient des droits de douane. » Une déclaration qui pourrait alimenter les réflexions du président américain.
Outre ces défis en matière de croissance et d’inflation, la Fed pourrait bientôt être confrontée à des enjeux de stabilité financière. Scott Bessent, secrétaire au Trésor, a annoncé le 19 mars « revoir toute la réglementation bancaire ». Le lendemain, il informe le président américain de son intention « d’augmenter le levier du système bancaire ». Ce discours de dérégulation pourrait certes abaisser les taux d’intérêt et stimuler la croissance à moyen terme, mais l’imprudence que ces annonces révèlent ne présage rien de bon pour la stabilité financière.

Je suis Aurélie. En tant que membre dynamique de l’équipe Guineetime, je vous guide à travers les évolutions économiques et culturelles. Ma passion pour l’innovation vous aide à anticiper les grands changements.
