Alors que de nombreuses économies occidentales se débattent avec une inflation élevée depuis plusieurs années, la Chine est confrontée à un problème inverse : la déflation. Les chiffres les plus récents montrent une tendance inquiétante. Les prix à la production ont diminué de 3,6 % sur un an, tandis que l’inflation des prix à la consommation est presque inexistante, à peine 0,1 %. L’économie chinoise est donc bien en deçà de l’objectif d’inflation de 2 % généralement fixé par les banques centrales. Cette situation, si elle persiste, pourrait avoir des répercussions importantes, non seulement pour la Chine, mais également pour l’économie mondiale.
Définition de la déflation
Pour mieux comprendre le contexte chinois, il est crucial de définir certains termes. L’inflation se réfère à une augmentation générale et soutenue des prix des biens et services. En revanche, la déflation correspond à une réduction généralisée et auto-entretenue de ces mêmes prix (en d’autres termes, une inflation négative). Il est important de ne pas confondre la déflation avec la désinflation, qui est simplement un ralentissement du taux d’inflation (les prix augmentent toujours, mais à un rythme plus lent). La situation actuelle en Chine, avec une inflation très basse frôlant le territoire négatif, place le pays en alerte maximale contre le risque de tomber dans une véritable spirale déflationniste.
La déflation est-elle pire que l’inflation ?
Alors que la lutte contre l’inflation est souvent au centre des préoccupations, de nombreux économistes voient la déflation comme un fléau plus sérieux et plus difficile à combattre. Cela peut sembler paradoxal : des prix en baisse, n’est-ce pas positif pour les consommateurs ?
Le principal risque de la déflation est la création d’un cercle vicieux. Si les consommateurs et les entreprises anticipent une baisse des prix, ils retardent leurs achats et investissements, en attendant des conditions plus favorables. Ce comportement entraîne une diminution de la demande globale, obligeant les entreprises à réduire encore leurs prix pour écouler leurs stocks. Cette pression sur les marges les pousse à réduire leur production, à geler les salaires et, finalement, à procéder à des licenciements. L’augmentation du chômage et la stagnation des revenus pèsent davantage sur la demande, renforçant la spirale baissière des prix et risquant de paralyser l’économie.
Les facteurs de risque de déflation en Chine
Le risque déflationniste en Chine est symptomatique de déséquilibres structurels profonds. Le modèle de croissance du pays repose depuis longtemps sur d’importants investissements, particulièrement dans le secteur industriel, et sur les exportations, au détriment de la consommation intérieure.
Cette stratégie a produit une capacité de production énorme. Cependant, la demande intérieure reste faible. Les ménages chinois, face aux incertitudes économiques et à un système de protection sociale limité, privilégient une épargne de précaution élevée. La crise du secteur immobilier a aussi gravement affecté la confiance et les actifs d’une large partie de la population, réduisant encore leurs dépenses. Ce déséquilibre entre une offre excessive et une demande intérieure faible crée une pression déflationniste sur les prix.
Manifestation du neijuan
La crainte de la déflation se manifeste à travers un terme complexe et central dans les préoccupations de la jeunesse chinoise : le neijuan.
Le terme neijuan signifie « spirale intérieure ». Il évoquait à l’origine une complexification sociale sans amélioration globale (par exemple dans la production de riz sous les colonies hollandaises). Aujourd’hui, il décrit divers phénomènes sociaux contreproductifs, notamment l’hyperconcurrence sociétale.
Typiquement, dans les universités, si un examen requiert une dissertation de 3 000 mots, les étudiants tendent à en écrire 5 000 pour se distinguer. Cette surenchère devient la norme et n’apporte plus aucun avantage distinctif. Il en va de même dans le monde professionnel et dans les relations personnelles.
Ce concept de neijuan s’applique aussi au monde des affaires. Sous l’impulsion des subventions des gouvernements locaux, les entreprises entrent dans une compétition féroce, réduisant constamment leurs prix pour survivre et gagner des parts de marché. Cette guerre des prix, bien que potentiellement avantageuse à court terme pour le consommateur, a des conséquences macroéconomiques sérieuses en érodant la rentabilité des entreprises et en alimentant la tendance déflationniste générale.
Stratégies potentielles pour la Chine
Devant ce danger, le gouvernement chinois est confronté à un dilemme complexe. Plusieurs options sont envisageables, mais chacune présente des inconvénients significatifs. Une politique de relance de la consommation est essentielle, mais difficile à implémenter rapidement. La banque centrale pourrait réduire ses taux directeurs pour encourager le crédit et l’investissement, mais cela pourrait affaiblir le yuan et encourager les fuites de capitaux. Cette mesure pourrait aussi nuire à l’ambition de faire du yuan une véritable monnaie de réserve internationale, en concurrence avec le dollar.
Le risque de déflation importée pour l’Europe
L’impact de la situation chinoise ne se limite pas à ses frontières mais affecte également ses partenaires commerciaux, y compris l’Europe. L’exportation de la surproduction chinoise à des prix très bas sur les marchés mondiaux pose un risque direct pour la compétitivité des industriels européens.
Cependant, cette situation offre aussi une opportunité paradoxale. Une baisse des prix des biens importés peut aider à modérer l’inflation en Europe, ce qui pourrait donner à la Banque Centrale Européenne (BCE) la marge de manœuvre nécessaire pour baisser ses propres taux directeurs. Une telle décision présenterait plusieurs avantages : elle allégerait le fardeau des dettes publiques, stimulerait l’investissement et la consommation, et pourrait entraîner une dépréciation de l’euro, bénéfique pour la compétitivité des exportations européennes.

Je suis Aurélie. En tant que membre dynamique de l’équipe Guineetime, je vous guide à travers les évolutions économiques et culturelles. Ma passion pour l’innovation vous aide à anticiper les grands changements.
